Ce qui me meut
Céline Attias-Biret
Je m’offre une mini séance de sophrologie autour de mes valeurs. Je laisse venir 3 valeurs incompressibles de mon existence actuelle. Et puis, j’en garde une.
Tout d’abord merci Marcella, de m’avoir proposé ce temps de pose pour m’accorder à une de mes valeurs. Car tout comme un instrument de musique peut se désaccorder, il nous est si facile de perdre notre capacité d’être en harmonie et nous devenons alors discordant. Quelque chose se met à sonner faux, à dissoner en nous-même, envers nous-même, envers les autres, le monde et tout ce qui l’entoure dont nous ignorons tant ! Faire raisonner en soi une valeur est un des nombreux chemins pour retrouver son axe, sa verticalité, sa justesse ! Et la sophrologie nous offre des techniques pour le faire de tout notre être, comme tu le proposes si poétiquement avec ce petit exercice de style. Des listes de valeurs il y en a des dizaines sur internet, des scientifiques les ont également compilées. Je choisis ici de partir d’une des valeurs proposées par Caycedo puisque nous parlons sophro n’est-ce pas (sourire).
Alors la valeur incompressible qui me vient après une mini séance c’est : « L’HUMANITÉ »… rien que ça !
Au rythme de ma respiration, je m’imprègne de cette valeur… je la laisse circuler dans mon corps sans analyse, sans jugement. Dans quelle(s) partie(s) de mon corps je la ressens, quelles sensations cela provoque en moi ?
Après ce temps de respiration associé à ma valeur choisie, je me pose les questions suivantes et j’y réponds en quelques lignes.
L’humanité, je la ressens tout d’abord dans ma poitrine, dans son oppression quand les tensions se sont accumulées et que je peine à respirer. Puis dans l’humidité qui monte à mes yeux quand je pense à l’histoire de l’humanité, et même à l’histoire de la vie, à ses grandes souffrances à travers les millénaires, à sa grande fragilité, à toute cette mémoire inscrite au cœur même de nos cellules. Enfin, derrière cette tristesse, la puissance de l’humanité m’apparait, sa capacité à donner vie, à inventer, à faire lien, à réconforter, à accueillir, à être en joie, et à aimer. Quelque chose s’ouvre alors et se met à vibrer, le chant de la pluie dans mes oreilles, la tendre lumière matinale de l’automne qui s’installe et m’imprègne, la douceur de ma respiration qui se déploie dans tout mon corps. Ce qui était morcelé s’unit et un sens de communion avec un tout qui me dépasse habite mon corps et englobe, au-delà de l’agréable et du désagréable !
Si cette valeur était paysage ou une œuvre d’art.
Ce serait une forêt verdoyante au printemps lorsque le vert est si prégnant qu’il me traverse de part en part, comme s’il s’infiltrait en moi par ma respiration, par chacun de mes sens et me ressourçait en profondeur. Comme un accès à mon animalité retrouvée et par là-même à mon humanité, toujours en devenir, structurellement liée aux éléments qui nous entourent et à leurs mouvements.
Si cette valeur était une odeur.
Ce serait l’odeur de la terre mouillée après une bonne averse. Ressortent alors toutes les molécules d’humus, de champignons, ou parfois de fleurs en fonction des saisons. Des odeurs qui traversent les sens, les générations, le temps.
Si cette valeur était un son.
Ce serait le son d’un gong. Celui qui nous arrête net dans notre élan, notre course à en vouloir toujours davantage, toujours plus vite, toujours plus fort, comme s’il nous manquait en permanence un morceau de nous-même et que nous nous acharnions à le conquérir immédiatement pour nous protéger d’on ne sait même plus quoi. Un Gong grâce auquel on peut décider de se poser et d’être enfin, entier.
Si cette valeur était un mets.
C’est très difficile pour moi d’y répondre car je suis si gourmande que plein de plats s’offrent à mon imagination face à cette proposition. Pour arrêter un choix, je dirais les endives gratinées que me faisait ma mère quand j’étais enfant. Une transmission d’humanité par un plat préparé avec amour, pour régaler.
Si cette valeur était une matière.
Je me surprends à dire cela mais ce serait une toile d’araignée. J’ai peur des araignées, mais récemment en enlevant une toile de mon rétroviseur avec un chiffon, le vent a propulsé les fils sur ma main. J’ai d’abord eu un geste d’effroi, puis d’un coup les récepteurs de ma peau m’ont envoyé des messages d’une délicatesse, d’une légèreté et d’une finesse que je n’avais jamais perçue au touché, c’était une expérience incroyable ! Fabuleuse expérience du rapport humain au monde qui nous entoure, au monde que nous sommes.
Si cette valeur enfin était une technique sophrologique.
J’hésite entre la RD3 et la RD4. Mais je choisi la RD3 telle que Caycedo l’a introduite au début. Très proche du Zen, très dépouillée, comme la possibilité d’entrer directement en contact avec la vie en soi, dans toute sa complexité et sa simplicité, sa grande beauté et ce qu’elle a de plus immonde, sa diversité et son unité, ses opposés, et ce qui la réunie, l’unit, ce qu’elle est là maintenant, que ce soit agréable, désagréable ou neutre.
Comment ma valeur me guide dans ma vie. Comment elle me met en mouvement sur le plan émotionnel et personnel.
Ouh la la Marcella, tout ça, tu es sûre ? (Rire) Je crois qu’en développant tes questions, il y a de quoi écrire un roman (sourire). Je me trouve là devant un abîme pour répondre. Ce qui m’inspire et ma façon de faire vivre en moi l’humanité se fonde principalement sur des axes moteurs qui me viennent de ma longue pratique du bouddhisme et de la méditation sous différentes formes. Un des enseignements nous invite à méditer les « quatre incommensurables » : quatre esprits que sont la bonté aimante, la compassion, la joie et l’inclusivité. Il y a de quoi développer évidemment (rire).
Pour conclure ce texte, j’offre un cadeau personnel aux lectrices et lecteurs de la rubrique ! Un cadeau très simple, en lien peut-être avec ma valeur et surtout sincère.
Haha, les possibilités sont vastes mais à ce stade plein de pensées me viennent à l’esprit : « j’aurais pu dire les choses autrement, j’aurais pu faire mieux et j’en passe ». Alors mon petit cadeau se présente sous la forme d’un message. Pour tous ceux qui comme moi, ont tendance à être un peu trop exigeants envers eux-mêmes, et j’en connais beaucoup, je vais terminer ce texte par un trait d’humour ! J’aurais aimé vous montrer le dessin qui le met en scène, mais il est possible qu’il ne soit pas libre de droit. Alors je vais vous le décrire : C’est un petit bonhomme qui se repose contre un rocher et un autre lui dit « qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ? ». « Rien… » lui répond-t-il. « Mais t’as déjà rien fait hier… », « J’ai pas terminé… ».
Être humain envers soi-même est le début du chemin et le chemin est bien long, une vie n’y suffit pas je pense… Alors comme le prône et l’enseigne si bien Fabrice Midal, philosophe et enseignant de méditation depuis une trentaine d’année. N’oubliez pas… : « Foutez-vous la paix !! ».
Merci à toi Marcella pour la poésie de ton travail et ton engagement à faire perdurer une sophrologie vivante ! Et merci à toute l’équipe de la SFS pour ses combats afin que la sophrologie ne devienne pas un vulgaire outil dépouillé d’humanité !
Céline Attias-Biret
Rubrique animée par Marcella, sophrologue à Paris 15e