1 thème, 6 questions, 3 sophrologues
Le son – Sophie Schang
Quelle est ta définition singulière du son ?
Quelque chose qui s’exprime sous la forme d’une vibration dont je peux appréhender la source ou pas. À la limite, le son est une sorte de pré-langage. Cette perception du son nous invite à nous interroger sur les limites entre ce que je peux percevoir et ce qui existe vraiment.
Quelle couleur pour quel son ?
C’est difficile de répondre à cette question car pour moi chaque son est unique car lié à l’instant présent. S’il peut être appréhendé comme une couleur, le son crée aussi un état d’esprit. Les deux coexistent dans le temps de la vibration du son et peut même perdurer lorsque celle-ci s’arrête. Lorsque je fais sonner un bol tibétain, ce n’est pas une couleur que je « perçois » mais plutôt une sorte de forme colorée qui se façonne en même temps que le bol vibre.
Et à l’inverse, les couleurs peuvent être extrêmement stridentes aussi. Je me souviens du malaise que j’ai ressenti lors de l’exposition de Mark Rothko en 1999, car je percevais l’intensité des couleurs contenues et comme retenues dans l’espace de la toile comme un déchirant cri intérieur.
Quelle place a le « son » dans ta vie personnelle : musique, chansons, mots, voix, etc… Laisse affluer tes réminiscences même lointaines, tes sensations, de la manière la plus libre et ouverte qui soit.
Ma grand-mère chantait et je l’accompagnais en duo dans ses spectacles quand j’étais enfant. J’ai beaucoup aimé ce partage autour de la musique. On répétait ensemble les morceaux, on préparait les costumes. Le chant a une place importante dans ma vie, je suis sensible à la musique et aux sons, et plus particulièrement à la musicalité des mots. Je joue du piano et les sons des morceaux composent des paysages émotionnels qui me ressourcent profondément. Lorsque j’ai pratiqué quelques années le chant lyrique, le travail sur le souffle et le corps réunis a été une révélation qui m’a guidée vers la sophrologie alors que je cherchais un métier qui allie le corps et l’esprit.
Ma grand-mère chantait beaucoup, ma mère était orthophoniste, encore un métier de la voix et du son, et j’ai l’impression de poursuivre cette filiation à ma manière.
Quelle place a le « son », dans ta vie professionnelle ? Est-ce que tu l’introduis dans tes séances et si oui de quelle manière, pour quels objectifs, à quel moment d’un protocole…
Le son est omniprésent par la voix du sophrologue. Pour moi l’inflexion de la voix, c’est déjà un travail du son. Le choix des mots dans le terpnos et leur association l’est aussi d’une certaine façon. Mais plus spécifiquement, je peux utiliser un travail vibratoire précis afin de travailler/activer les cordes vocales d’un étudiant qui peine à s’exprimer à l’oral ; pour une personne dépressive afin de travailler sur son énergie ; pour quelqu’un qui a du mal à lâcher prise car le travail sur les sons permet de se concentrer et d’être dans l’instant présent. J’inclus aussi systématiquement un travail sur le son avec les enfants, notamment avec un bol de méditation, en leur demandant justement « de quelle couleur, de quelle forme est le son ? », pour travailler sur la créativité et la concentration et en lien avec la RD des 5 sens.
Quel mouvement particulier du corps aimerais-tu associer au mot « son » ? Invente et décris un geste précis et transmissible.
Point de départ, les mains posées sur le sternum, je fais vibrer le mot « son », d’abord mentalement. Puis, toujours les mains posées sur le sternum, je le fais vibrer à haute voix. Troisième fois, je fais vibrer le mot en déployant l’espace des bras. Et on pourrait imaginer faire d’abord vibrer 3 fois le mot « son » en posture assise puis 3 fois en posture debout.
Quel serait pour toi, ici et maintenant un environnement sonore idéal ? Dresse une liste (un peu comme une liste de course) des sons divers que tu aimerais entendre dans une journée.
Le chant des oiseaux, le bruit des vagues, le vent dans les feuilles de bambou, le son d’un carillon qui tourbillonne dans le vent, les notes d’un morceau de piano, des enfants qui éclatent de rire après avoir fait une bonne blague.
Compose un poème, en prose ou en rime comme tu préfères, dans lequel tu utilises le mot « son » en compagnie de au moins deux de ses homonymes.
Ferme les yeux, respire tranquillement, je t’emmène au pays merveilleux et magique des sons.
Avec lui tout se transforme, se pose, se décompose et se recompose, comme dans un rêve… Celui d’une enfant à la peau couverte de taches de son qui s’est endormie à l’abri d’une botte de foin. Dans les champs tout le monde s’affaire, les sons joyeux du travail fendent l’air, tandis que le vent d’été emporte quelques fragments bruns de son qui viennent se déposer, comme de minuscules pétales légers de fleurs inconnues, sur la blondeur enfantine.