1 thème, 6 questions, 3 sophrologues
Respirer – Philippe Keit
Le cœur battant de cette rubrique est dans le titre : un thème cher à la philosophie de notre métier est choisi ; 6 questions sont posées en forme de fil conducteur ; 3 sophrologues y répondent + 1 membre du conseil d’administration de la SFS.
Pour introduire le congrès, Marcella a cette fois choisi Respirer
Philippe KEIT, sophrologue, praticien DECEMO, hypnose
Respirer, ce verbe dont nous ne pourrions pas nous passer puisque notre respiration nous tient en vie… Oui mais encore… Qu’est-ce que d’une manière plus vaste, respirer signifie d’autre pour toi ?
Respirer, c’est pour moi s’autoriser à être soi-même, à prendre sa place.
Il est à mon sens nécessaire de travailler sur ses valeurs, sur ses croyances afin de prendre réellement conscience de celles qui sont nôtres et non pas celles que les autres ont désiré pour nous. Il est difficile de respirer pleinement lorsque l’on passe notre vie à vouloir correspondre à ce que l’on attend de nous.
Oscar Wilde l’exprimait très bien à travers cette citation : « Soyez vous-même, les autres sont déjà pris »
Respirer, c’est également pour moi aller contre cette injonction qui nous demande de produire toujours plus et toujours plus vite. Prendre le temps de vivre, s’autoriser par moments à ne pas faire, mais ne pas faire ne signifie pas ne rien faire car cela nous permet d’explorer pleinement nos profondeurs.
Lorsque j’anime des pratiques collectives, je propose aux groupes des exercices à réaliser dans une extrême lenteur et en conscience, je leur propose de « s’autoriser » à la lenteur et de vivre pleinement comment ça respire en eux.
Par exemple, dans l’exercice de RD1 de « mise en mouvement de la tête », je propose d’exécuter ce mouvement le plus lentement possible, en pleine conscience du mouvement et de la respiration, je trouve que c’est une expérience extraordinaire.
À quel(s) moment(s) de ta vie as-tu l’occasion de respirer « complètement » ?
Lors de la pratique d’une SPI ma conscience se projette dans les très hautes plaines de l’Himalaya, en Padmasana (posture du lotus), je médite. Cette image active tous mes sens et cette sensation de liberté me renvoie à la légèreté et l’amplitude de ma respiration.
De même que lorsque la vie s’éveille au printemps, la vue de premiers bourgeons, des premières fleurs, des premiers rayons de soleil, les premières senteurs remettent en mouvement ma respiration, je me sens vivre pleinement.
Puis, savoir ses proches en bonne santé, faire ce que l’on aime, être avec les gens que l’on aime, simplement savoir que l’on est à sa place.
À travers la pratique de mon métier, ma passion, accompagner toutes ces personnes en leur offrant l’opportunité de transformer leurs souffrances en expériences, sans ressasser les peines du passé, toutes ces choses sont des cadeaux qui me permettent de respirer pleinement.
Quelle est la place de la respiration dans ta pratique, au niveau théorique et au niveau pratique ?
Que ce soit dans ma pratique personnelle ou la pratique de mon activité, l’attention sur la respiration est omniprésente.
Ma pratique personnelle est rythmée par la sophrologie, le yoga et la méditation. Toutes ces années de pratiques me montrent à quel point la respiration est la clef de voute de tout travail sur soi, c’est le baromètre de notre état intérieur.
J’ai découvert le Yoga en 1995 et ai suivi l’enseignement de mon maitre Swami Pragnyananda Sarasvati durant près de 25 ans.
Il s’agissait d’un enseignement traditionnel qui allait directement puiser ses sources dans la lignée des Saraswati.
Les Pranayamas (pratiques de maitrise du souffle) y étaient enseignés et étaient un des socles de la pratique yogique.
Dans la pratique de mes activités (sophrologie, hypnose, thérapies somato-émotionnelles) il me semble important d’aborder l’aspect théorique afin que le sujet puisse comprendre les bases des processus respiratoires. Puis, une fois évoqué l’aspect théorique, il sait de quoi je parle lorsque j’aborde, par exemple, le diaphragme, il est en mesure de le situer, connait son rôle, cela devient plus clair.
Dans mes formations ou enseignements, je reprends une phrase de Françoise Mézière (kinésithérapeute) qui dit : « la respiration ne s’éduque pas, elle se libère ». Pour moi, tout est dans cette phrase.
Quel(s) lieu(x) du corps tu aurais envie d’associer spontanément à la respiration ? Et quelle couleur associerais-tu à la respiration ?
J’aime bien dire que la respiration n’est pas localisée dans une partie du corps mais que tout le corps respire, il est donc à mon avis nécessaire de lâcher cette croyance que l’on doit respirer par le ventre ou par le thorax… la respiration est un processus global.
On peut sentir toute sa structure respirer, il suffit de poser son attention sur une partie du corps pour la sentir respirer.
Chaque espace de la peau respire, nos organes respirent, nos cellules respirent.
À la question, « quelle couleur j’associerais la respiration » j’aurai plus tendance à percevoir une matière, une texture plutôt qu’une couleur.
Je dirais que ce serait quelque chose parfois de très cristallin, de transparent, très fragile car un petit rien peut venir la contrarier, parfois quelque chose de très lourd, pesant et parfois quelque chose de très fluide et souple.
Par conséquent un espace amené à se métamorphoser en fonction des instants, des émotions, des sentiments…
Une petite histoire vraie autour de la respiration.
Le diaphragme est le muscle principal de la respiration et lorsque l’on s’intéresse à l’étymologie de ce terme, on y retrouve le mot « phren » lequel ne vous est pas inconnu.
Le lien entre la respiration (le diaphragme) et la conscience, l’esprit est ici établi.
À chaque fois que vous respirerez en conscience vous pourrez faire le lien entre votre état émotionnel et votre respiration, en prenant conscience que si votre état émotionnel impacte votre respiration, votre diaphragme, adapter une respiration harmonieuse impacte également positivement votre état émotionnel.
Invente un texte de 3 lignes autour de la respiration, bâti comme un poème construit sur le modèle d’un Haïku : 3 vers. 1er vers 5 syllabes / 2e vers 7 syllabes / 3e vers 5 syllabes. Aucune obligation de Haïku c’est juste pour te donner un modèle. L’impératif est 3 « vers ».
Je chante, je marche, je joue
Mais je ne respire pas…
Ça respire en moi.