Journée professionnelle Octobre 2022

La sophrologie en distanciel

Une réunion de travail s’est tenue le samedi 1er octobre 2022 de 9h à 12h sous forme de webinaire.

23 sophrologues ont témoigné de leurs expériences avec Claude Chatillon (sophrologue, Présidente de la SFS, Jean-Pascal Cabrera (sophrologue, membre du conseil d’administration de la SFS) et Christine Varnière (sophrologue, assistante de la SFS).

Les discussions ont non seulement porté sur le thème éminemment d’actualité de la sophrologie en distanciel mais ont également ouvert un champ plus large de réflexions concernant d’autres sujets qui s’y rattachent directement comme la déontologie, la formation, la relation enfant-parents, travailleur-entreprise, etc.

Puisqu’il était question, entre autres, du rapport de la sophrologie à l’usage des nouvelles technologies, s’est posée la question du « futur ». Ce point mériterait à lui seul une seconde journée de débats.

Dans l’ensemble, on peut noter 4 directions de discussions.

Synthèse de la table-ronde

Claude Chatillon
Jean-Pascal Cabrera

Document

 

 

1) Similitudes et différences entre consultation en ligne et en présentiel

Pratique-t-on la même sophrologie dans une visio-consultation que dans un cabinet ?

Un consensus s’établit pour affirmer qu’une séance en visio est incomplète ; le terme de « réduction sensorielle » rend compte de cette relation qui s’établit à partir d’une image et d’un son issus d’une conversion numérique de plus ou moins bonne qualité, dépendant d’un matériel et limitée à un champ visuel réduit (« cadrage » d’une tête et d’un haut de buste).

Tous les autres sens (de proximité) sont absents : les odeurs, les contacts avec le sol et le mobilier du local du (de la) sophrologue, sans oublier ce qui est parfois appelé les « énergies » (le rayonnement électromagnétique, les ondes électrostatiques, les températures corporelles).

L’empathie corporelle qui se crée avec tous les sens et la présence physique est de ce fait absente.

Une idée originale est proposée pour préparer des séances avec des enfants (envoi préalable de peluches avec des senteurs) ; l’intérêt porte sur une stimulation sensorielle mais l’inconvénient réside dans une incitation qui pourrait « manipuler ».

L’usage d’une technologie peut constituer une source d’inégalité d’une part dans le matériel utilisé (variabilité du débit de connexion, de la mémoire vive de l’appareil, de la taille et de la qualité de l’écran, de la bande passante des enceintes et du micro), et d’autre part dans la capacité à gérer ce matériel (certaines personnes âgées, enfants, réfractaires à ce type d’outil).

Entre le « proche du présentiel » et le « mieux que rien »

Les expériences variées de chacun(e) révèlent des avis partagés sur la préférence à accorder au type de consultation. Au fil des discussions, sont prônées une forte incitation au présentiel (besoin de la présence des « corps ») ou une organisation tournée vers le distanciel (l’aspect « pratique » l’emporte).

Si l’alliance qui s’établit peut conserver un lien similaire, elle est plus longue à établir. La discussion permet de mettre en évidence que le distanciel oblige à modifier sa pratique, plus courte et plus prudente qu’en présence.

L’anamnèse est essentielle et une différence apparaît entre une approche thérapeutique qui va devoir être prudente et prophylactique (comme les groupes ou certaines demandes) qui nécessite néanmoins une adaptation des techniques proposées en fonction de l’âge, du lieu du des conditions de vie.

Le distanciel offre néanmoins des avantages appréciés :

  • pour le(la) client(e) : pas de déplacement, gain de temps et de frais, élargissement du choix dans les sophrologues,…
  • pour le(la) sophrologue : pas de local à gérer et pas de déplacement non plus,…

En revanche, la visio-consultation est beaucoup plus contraignante pour le sophrologue en concentration car les yeux sont rivés sur un écran. Dans la continuité de ce point, il est difficile de proposer des mouvements avec des déplacements. Cette difficulté est accentuée lorsqu’il s’agit de groupes.

À propos des groupes, « l’agencement de l’écran » est une somme de vignettes rectangulaires où chacun(e) se retrouve face à tout le monde, contrairement à une séance en présentiel où la disposition en cercle est généralement adoptée.

Mais il faut reconnaitre le soulagement du (de la) patient(e) qui peut tout de même trouver un accompagnement lorsque le déplacement au cabinet, pour diverses raisons, est impossible.

Faut-il différencier la tarification ?

Là aussi, un consensus se fait autour de la notion du temps de travail de la part du (de la) sophrologue. Quel que soit le type de prestation, l’heure dispensée par le (la) praticien(ne) est reconnue par le même tarif qui reconnait un temps de travail et le travail fourni.

2) Les implications dans le domaine de la formation :

La formation se définit globalement selon 2 modalités :

La formation initiale

On retrouve les mêmes remarques que pour les consultations individuelles et surtout l’animation de groupes. Beaucoup de témoignages issus de la « période covid » ont décrit une sorte de mouvement de balancier. Le confinement a obligé les écoles de formation à s’adapter ; les étudiant(e)s, après s’être connus en présentiel, ont apprécié de pouvoir quand même se retrouver en visio. Cette joie s’est ensuite transformée, parfois en lassitude, avec pour une partie des étudiants (es) l’envie de se retrouver « physiquement ».

Liée à cette conjoncture, s’est posée la question de l’adaptation de la formation. Est-il possible de former complètement dans un domaine appliqué à la relation humaine, un groupe de personnes à des techniques psychocorporelles comme la sophrologie ? Certains témoignages ont été « relativement » mitigés pour ne pas dire sévères.

Cette question renvoie, passée cette période de covid, à la définition qui n’est pas toujours claire du déroulement des formations proposées ; une ambigüité se retrouve dans la notion de formation hybride où les ratios entre le présentiel et le distanciel ne sont pas suffisamment explicites. Même dans le distanciel, il peut exister des imprécisions (volontaires ou pas…) car ce n’est pas la même chose que d’assister à un webinaire et visionner une capsule vidéo pré-enregistrée, quand il ne s’agit pas de consulter un simple document « pdf ».

La formation continue

Elle subit les mêmes remarques que la formation initiale.

Les avantages du présentiel se retrouvent dans un relationnel plus « profond », ce que l’on traduit par la chaleur humaine, dans un éventail de pratiques, plus étoffé et plus encadré. Les vivances d’un atelier tissent des liens dans une tonalité que l’on ne retrouve pas en distanciel.

Les avantages du distanciel se retrouvent dans l’économie de temps, d’argent et dans une préservation de la planète. (alors qu’en fait l’internet est lui aussi un gros consommateur d’énergie). Cette remarque amène donc à réfléchir sur ce qui doit être abordé en présentiel et sur ce qui peut être abordé en distanciel (certaines connaissances théoriques par exemple).

Une autre différence a été soulignée : dans le mode présentiel un acte volontaire s’affirme et se démarque ainsi d’une tendance civilisationnelle du « tout de chez soi, sans se déplacer, presqu’à se faire livrer ».

3) La déontologie dans le cadre du distanciel

L’appellation « pratique psychocorporelle » qui est souvent associée à la définition de la sophrologie souligne une double attention à porter à l’occasion de séances en distanciel :

Une attention psychologique

par exemple, les personnes dépressives qui pourraient déclencher une décompensation, les enfants qui pourraient « quitter » l’écran, … Se pose alors la nécessité d’un cadre rigoureux explicité et convenu à l’avance pour éviter des situations hors de contrôle que le (la) praticien(ne) pourrait rencontrer selon les circonstances (proximité d’une personne ressource, contact d’urgence, contre-indications, explications préalables…). On retrouve une similitude avec les précautions prises par le milieu médical dans les interventions à distance.

Une attention corporelle

du fait de l’étroitesse du champ de communication liée à l’écran, le (la) sophrologue ne voit pas toute la topographie du lieu dans lequel se présente son (sa) patient(e), ni sa capacité à évoluer dans son espace, sa mobilité, les obstacles, les surfaces, les fenêtres, escaliers, etc…Par exemple, une marche phronique « hors de l’écran » peut présenter une source d’incertitude (absence de retour visuel), ce qui entraine la nécessité de bien choisir les exercices proposés et de bien les montrer et expliquer.

Une autre direction de réflexion a porté sur le développement des tutos.

Une vidéo pré-enregistrée sans interaction visionnée sans transition, à n’importe quel moment, adressée à une « personne-type », comme on en trouve pour utiliser un appareil, ne peut pas prétendre à un enrichissement « psychocorporel » de même profondeur qu’une séance en présentiel ; en revanche, elle peut aider utilement à des apports théoriques plus cognitifs.

La logistique
  • L’usage d’un ordinateur en raison de son écran plus « confortable » est incontestablement préférable à celui d’un smartphone surtout s’il est tenu en main. Ce dernier peut être considéré comme le dernier recours quand toutes les autres alternatives ont été épuisées.
  • La sécurité des données représente également un point non négligeable ; l’actualité montre les dérives, arnaques et autres piratages dont il est nécessaire de prendre conscience. Tant « en direct » qu’en différé, les traces numériques (enregistrements, partages de fichiers, discussions écrites ou orales) sont des pistes volontairement (en cliquant la fameuse clause « J’accepte ») ou involontairement (hameçonnage, historiques, détournement de vidéos) qui peuvent être exploitées par d’autres personnes moins bien intentionnées.
  • La confidentialité des séances, du fait de l’absence de « lieu dédié », peut être remise en cause : les lieux d’entreprises et les plateformes utilisées, « l’indiscrétion » familiale ou du voisinage lorsque l’isolation est réduite.

4) Le futur ?

Ce point de discussion a été amorcé mais de façon relativement brève. Pourtant le futur s’immisce déjà dans notre présent et mériterait une réflexion épistémologique, en particulier par l’avancée des technologies qui surprennent par « le coup d’avance », des effets positifs masquant ensuite le coup de retard de nos réactions face aux effets négatifs.

Dans ce chapitre, on retrouve les applications sur smartphone et surtout la vague du métavers qui se prépare à déferler ; les investisseurs ont bien compris tout l’intérêt de cette technologie.

Le monde de la formation est en train de s’y engouffrer ; à quand l’immersion du (de la) sophrologue avec son patient, par l’intermédiaire de leurs hologrammes, sur une plage paradisiaque, un monastère perdu dans la montagne ou un vaisseau visitant le cosmos… Et le souhaite-t-on ?