Un peu d'histoire... Jacques DONNARS
Jacques Donnars, qui a beaucoup oeuvré pour le développement de la sophrologie en France, nous a quitté en juillet 2018.
Au congrès de mai 2019, Yannick Jouan, médecin, psychosomaticien et sophrologue, lui rendait hommage et rappelait le parcours de cet homme exceptionnel.
Voici le texte prononcé à cette occasion.
Jeudi 20 septembre 1978, pour la première fois je monte les marches menant au 3e étage du 78 boulevard Malesherbes, accompagnant un ami qui désire me présenter le docteur Jacques Donnars.
C’est la soirée d’introduction d’une nouvelle année dont les cours vont porter sur « La vie quotidienne ». Dans le grand salon où je remarque immédiatement la présence d’un immense tableau représentant le Christ portant sa croix, une statue de l’empereur jaune, Huangdi, auteur supposé de l’ouvrage fondateur de la médecine chinoise, un Bouddha trônant sur la cheminée et un magnifique gong probablement japonais, quarante personnes sont déjà là. Une sensation d’étrangeté m’envahit, ce que je ressens à ce moment-là m’était jusqu’alors inconnu. Pendant les vingt premières minutes je me demande si je ne vais prendre mes jambes à mon cou et m’enfuir. La curiosité l’emporte et mon premier ressenti laisse la place à la perception d’une atmosphère chaleureuse pleine de bienveillance.
Cet homme, médecin, psychanalyste, sophrologue, acupuncteur, homéopathe, vertébrothérapeute, transmet un enseignement qui parle à mon cœur et à mes tripes. Ici pas de prosélytisme, Jacques a été longtemps président de l’Alliance mondiale des religions créée par Maryse Choisy, chacun peut avoir son propre système de pensée, mais tout y est mis au travail. Passer la porte de ce lieu est une entrée en Alchimie. C’est un « Chercheur de Vérité » partageant sa recherche avec tous ceux qui en ont le désir.
Jacques Donnars est un précurseur. Bien avant qu’on ne parle de Thérapies Corporelles, il a placé au centre de sa recherche, en tant que support premier de notre travail intérieur, le corps que nous avons et que nous sommes. Dès les années 40 alors qu’il est étudiant en médecine, il s’intéresse au Mazdaznan du Dr O.Z. Hanisch, proposant des exercices et postures d’éveil à soi-même dans lesquels la pratique d’une respiration rythmique joue un rôle fondamental, puis s’ouvre à l’enseignement de G.I. Gurdjieff dont il reprendra certains aspects. À noter qu’il s’est également formé à la kinésithérapie, plutôt rare pour un médecin, auprès de Boris Dolto, le mari de Françoise.
Sa recherche intérieure l’amène en analyse avec René Laforgue, plus Béla Grunberger et enfin Jacques Lacan. Il devient lui-même psychanalyste. Ne s’enfermant pas dans cette approche qui se désintéresse souvent de ce qui se passe dans le corps, il se présente avant tout comme psychosomaticien.
Au début des années 60 il entend parler du Dr Alfonso Caycedo, disciple de Binswanger, père de la phénoménologie psychiatrique. Celui-ci vient de créer la Sophrologie, synthèse de l’Hypnose et d’enseignements orientaux qu’il a découverts lors de ses voyages en Asie. Le corps y tient une place essentielle. Jacques Donnars en est, en France, l’un des pionniers et deviendra plus tard président de la Société Française de Sophrologie.
Au cours des années 70, il rencontre le Dr Alexandre Lowen, disciple de Wilhem Reich, créateur de la Bioénergie, qu’il va introduire en France. Il publiera ses livres aux éditions Tchou dans la collection « Le corps à Vivre » qu’il dirigera pendant de nombreuses années. À la même époque il croise le Dr David Akstein, psychiatre brésilien, qui a observé les effets thérapeutiques du Condomblé et de la Macumba et s’en inspire pour créer la Transe Terpsichore Thérapie (TTT) dégagée des croyances qui accompagnent ces rituels. Jacques Donnars va en faire l’une de ses principales méthodes de travail tout en se libérant de la forme première qui utilisait toujours la même musique. Il expérimente toutes formes de musique et même la transe silencieuse, ces pratiques ayant des effets thérapeutiques certains, autant sur le plan psychique que somatique, si tant est qu’on puisse les dissocier.
En 1976, il crée l’athanor de cette recherche : « Le Corps à Vivre » dans le cadre duquel vont se dérouler les Méditations à Vocation Transpersonnelle, les cours du jeudi soir, les dimanches du Corps, les séances de TTT, les séminaires de couples… et les séminaires de Meschers.
C’est en mai 1979 que je découvre, tout près de la Gironde, au milieu de l’Espace du Possible, la petite maison appartenant à Geneviève, sa femme, à moitié enterrée dans la colline. C’est dans ce lieu, merveilleux utérus pour maturer et accoucher de soi-même, que se déroulent ces séminaires.
En 1981 il publie son livre référence : Vivre, exposant le résultat de sa recherche du moment concernant sa vision de la vie et de la mort, œuvre fondamentale qui reste totalement d’actualité. À la fin de années 80, il crée avec son fils, le Dr Alain Donnars, l’École de la Conscience qui a laissé des souvenirs inoubliables à ceux qui en ont suivi les cours. Au fil des années il élabore sa propre méthode de travail en Sophrologie, exposée dans son livre sorti en 1995 : L’Ennéagramme, les neuf Muses et le Transpersonnel, faite de neuf méditations à Vocation Transpersonnelle ayant donné naissance à dix ouvrages édités à son nom.
Comme dans tout enseignement de dimension tantrique, pour Jacques Donnars rien n’est à rejeter, tout est à accueillir avec bienveillance et amour en le mettant au travail. Je n’oublie pas cette phrase essentielle qui m’a marqué dès le premier jour où je l’ai rencontré : « Il n’est pas nécessaire de s’estimer pour s’aimer ».
Dr Yannick Jouan
médecin, psychosomaticien, sophrologue, acupuncteur