Rencontre avec Chloé ELKAIM
Pour cette nouvelle newsletter, et séduite par son spectacle, la SFS a donné la parole à Chloé Elkaim, sophrologue spécialisée en parentalité positive.
Chloé, quelques mots sur votre parcours, pourquoi cet intérêt pour la parentalité ?
L’accompagnement du tout petit a toujours guidé mes choix professionnels, avant même de me reconvertir dans la sophrologie. J’ai souvent fait le constat d’une difficulté au devenir parent qui témoigne aussi de l’émergence d’une société nouvelle où beaucoup s’interrogent sur leur responsabilité parentale.
Après ma reconversion en sophrologie, j’ai tout naturellement pris place aux côtés de ces nouveaux parents en recherche de sens.
Merci Chloé, alors parlez-nous de l’éducation positive. Est-elle une action positive ?
Merci Judith et merci à la SFS de m’offrir une tribune libre pour parler de ce sujet qui m’anime et me passionne !
L’éducation positive est une avancée sociétale majeure qui nous permet d’entrer dans une ère de respect !
Cependant comme beaucoup de sujets abordés en « conscience ordinaire », on peut parfois regretter un certain manque de nuance et ce courant éducatif est souvent résumé à une boîte à outils. Problème = outil = réparation.
Elle est souvent associée à du laxisme, ce qui, de mon point de vue, reflète la difficulté actuelle à sortir d’un monde « de prise de pouvoir ». Où est alors l’humanité essentielle à toute éducation ?
Punir comme tout laisser faire sont les deux extrêmes d’une même logique : la loi du/de la plus fort·e où l’un·e domine et l’autre subit.
Si l’adulte se vit ainsi, il n’aura d’autre choix que d’asservir son enfant au risque de « se laisser bouffer » comme je l’entends souvent.
Comment, alors, faire preuve de respect et d’acceptation en restant dans une logique ou si l’un·e gagne, l’autre perd ?
Dans cette apparente contradiction, les nouvelles références éducatives génèrent souvent du stress chez de nombreux jeunes parents qui ont avant tout besoin de soutien et de compréhension.
Je nous propose de mettre à distance la loi du/de la plus fort·e et de penser un monde où les individus se respectent eux/elle-même et entre eux/elle car chacun·e a sa propre puissance…
« Un parent bienveillant l’est d’abord avec lui-même »
Grâce aux sciences sociales comme aux neurosciences, nous savons aujourd’hui que le bien-être et la confiance en soi de l’adulte se construisent en grande partie pendant l’enfance. Dès lors, nous pouvons lâcher petit à petit les schémas de violence. Cependant, nous avons fait de l’éducation un enjeu qui met la plupart des parents en tension :
Comment transmettre confiance en soi, autonomie et plaisir de vivre lorsque l’on est soi-même perdu, voir culpabilisé ?
Un parent sécurisant est avant tout un parent sécurisé, et les enfants intègrent le savoir-être du parent, aussi vous avez tout à gagner à prendre soin de vous !
« Les émotions ne sont pas les comportements »
Un interdit a un sens qui peut être transmis à l’enfant qui cherche à comprendre le monde. Loin de montrer que l’un·e a du pouvoir sur l’autre, un cadre se pose « pour » l’enfant : le/la protéger, lui expliquer le monde, l’aider à s’adapter à l’organisation de la société. Ce cadre est aussi posé « pour » les parents qui font en fonction de leurs ressentis singuliers (fatigue, envie, disponibilité, sensibilité).
L’enfant a le droit de ressentir des émotions quelles qu’elles soient mais tous les comportements ne sont pas acceptables. Porter un jugement sur ses émotions, c’est s’attaquer à l’estime de soi en construction chez l’enfant mais apprendre à ne pas acter ses pulsions c’est la renforcer.
Et cela fonctionne aussi pour les adultes : avoir des enfants est fatiguant, complexe et ingrat, vous avez le droit à toute la palette des émotions, c’est humain ! Mais pas à n’importe quelle réaction ! 😊
« Éviter les frustrations c’est tuer l’intelligence »
La punition s’inscrit dans une logique de domination car elle dévalorise et n’enseigne rien. Cependant, ne rien faire n’est valorisant pour personne et je comprends la recherche de sens présente chez de nombreux parents. Assumer les conséquences de ses actes c’est se rendre responsable. Il y a des règles, si elles sont transgressées, il y a des conséquences… Voilà de quoi être acteur/actrice de sa vie même dans l’inconfort. C’est aussi l’occasion d’apprendre à intégrer cette fameuse frustration, en s’entraînant, sous le regard bienveillant des parents qui eux aussi s’échinent à gérer les leurs !
De plus, dépasser l’obstacle permet de sentir sa force et nourrit la confiance en ses capacités. Cela muscle le goût de l’effort et connecte à la jouissance d’être soi. Concrètement, punitions et conséquences se ressemblent comme deux gouttes d’eau mais l’intention modifie radicalement l’enjeu : « toi ou moi » ou « toi et moi ».
En somme, si vous n’êtes pas parfait·e, tant mieux car vous pourrez être un exemple de souplesse et de réflexivité. Si vous avez des limites et que vous les faites valoir, encore tant mieux. Sortir du « toi ou moi » et aller dans le « toi et moi » c’est quand chacun·e s’occupe de soi.
L’enfant s’élève alors en s’étayant sur un parent humain et sur les interdits comme tuteurs de sa propre confiance en lui/elle.
Pour conclure je voudrais mettre en lumière le lien entre parentalité « positive » et sophrologie existentielle. Il ne s’agit peut-être pas du « positif » d’un monde binaire : bien ou mal, noir ou blanc mais plutôt du positif d’un monde en marche qui se construit grâce à ses erreurs qui ne sont que des expériences.
Dans cette parentalité, comme en sophrologie existentielle, il ne s’agit pas tant d’accumuler des trucs et des astuces à appliquer que de se libérer de nos propres entraves pour oser être soi-même. Briller de sa singularité, se sachant décevant comme satisfaisant, en équilibre instable.
Revenir à soi, s’occuper de ses propres besoins c’est faire à son enfant un double cadeau : l’exemple d’un·e adulte heureux·se d’être lui·elle-même. L’enfant pourra alors s’étayer et être libre d’emprunter son propre chemin, fort de sa propre singularité, pour éclairer sa propre humanité.
Propos de Chloé Elkaim
Courte biographie
Chloé Elkaïm est sophrologue et sophrothérapeute, formée à l’ISEBA de Bordeaux.
Elle travaille en cabinet dans le Tarn depuis 8 ans. Elle est l’auteure et l’interprète de « Maintenant tu sais pourquoi tu pleures » spectacle informatif sur la bientraitance des enfants et en a tiré un livre du même titre, en auto édition.
Elle a développé une chaîne YouTube dédiée à la parentalité et une méthode pour aider les parents « Voyage en parentalité ».
Site Internet : chloeelkaim.fr.